Dowie, Zion et la fin d’un imposteur

John Alexander Dowie – grand évangéliste et guérisseur – a connu une fin humiliante suite au défi lancé par Mirza Ghulam Ahmad.
AMAL
John Alexander Dowie – grand évangéliste et guérisseur – a connu une fin humiliante suite au défi lancé par Mirza Ghulam Ahmad.

Dowie, le guérisseur

Né à Édimbourg en 1847, John Alexander Dowie s’était forgé une réputation de guérisseur en Australie. En 1888, il se rendit aux États-Unis où il se bâtit une communauté en accomplissant des actes de guérison par la foi. Son église, l’International Divine Healing Association, était gérée, en grande partie, comme une entreprise commerciale.

Le Zion Tabernacle, 31 août 1894
Le Zion Tabernacle, 31 août 1894

Il disposait d’un journal intitulé Leaves of Healing et fonda la ville de Zion City en 1901 dans l’état d’Illinois, non loin de Chicago. Au cours de cette période, il renomma son organisation la Christian Catholic Apostolic Church.

Le 2 juin 1901 il se proclama le « troisième Élie » et en 1904 le « Premier Apôtre de l’Église chrétienne catholique et apostolique de Zion. »

L’animosité de Dowie contre l’Islam

Dowie était antipathique à l’égard de l’Islam, déclarant, entre autres : « Zion détruira le mahométisme […] l’un des plus grands systèmes en Orient […] Selon le musulman, le paradis n’est qu’un vaste harem, où il pourra assouvir sa luxure […] Zion devra effacer cette tache choquante sur l’humanité. Ce drapeau maudit devra descendre des hautes tours de Jérusalem. Que Dieu m’aide à frapper à la porte du musulman ! Les musulmans se battront. Il y en a des centaines de millions. Une des grandes guerres imminentes est celle entre la Croix et le Croissant. » [1]

« J’avertis les nations chrétiennes d’Amérique et d’Europe : l’Islam n’est pas mort. L’Islam est tout aussi puissant. Bien que l’islam doit disparaître, bien que le mahométisme doit être détruit, souvenez-vous qu’il ne le sera pas par le christianisme latin décadent… » [2]

John Alexander Dowie
Couverture du Leaves of Healing du 24 septembre 1904 avec la photo de Dowie

« Je prie pour que le jour vienne où le Croissant disparaîtra et où les drapeaux […] flotteront sur Zion à Jérusalem, comme ils le font souvent dans la ville de Zion près de Chicago. Que Dieu fasse qu’il en soit ainsi ! Il est temps que l’abomination musulmane s’en aille […] Laissez-la se faufiler dans les déserts d’Arabie d’où cette chose immonde a émergé […] Que Dieu le détruise. »[3]

Défi de Mirza Ghulam Ahmad (a.s.)

Ces attaques de Dowie ont profondément blessé Mirza Ghulam Ahmad de Qadian, Messie Promis et Imam Al-Mahdi. Son premier message à Dowie est resté sans réponse. L’évangéliste ayant persisté dans ses affirmations provocantes, Mirza Ghulam Ahmad (a.s.) l’a invité à un duel de prière en 1902 : « Récemment est apparu aux États-Unis d’Amérique un homme se disant apôtre de Jésus, portant le nom de Dowie. Il prétend que Jésus, en sa qualité de dieu, l’a envoyé pour inviter l’humanité à la doctrine qu’il n’y a pas de dieu hormis Jésus […] [Dowie] déclare également que la prophétie mentionnée dans Deutéronome 18 : 15 s’est accomplie en sa personne et qu’il est l’Élie et l’apôtre de ce siècle […]

Nous soulignons respectueusement à M. Dowie qu’il n’est pas nécessaire, pour la réalisation de son dessein, de vouer des millions de musulmans à la destruction. Il existe un moyen très simple pour déterminer si le dieu de M. Dowie est vrai ou le nôtre. Il n’aura pas à annoncer à maintes reprises sa prophétie de la destruction de tous les musulmans. Il devra me garder seul à l’esprit et prier pour que le menteur meurt avant l’autre. M. Dowie accepte Jésus comme dieu et je le considère comme une humble créature et un prophète. La question est de savoir qui d’entre nous a raison. M. Dowie doit publier cette prière accompagnée du témoignage d’au moins un millier d’individus. Quand le numéro du journal contenant cette annonce me parviendra, je prierai, moi aussi, et joindrai à cette supplique le témoignage d’un millier de personnes, si Dieu le veut. Je ne suis pas le premier à proposer une telle prière. M. Dowie, par ses annonces, s’est mis dans cette position. Dieu étant jaloux, Il m’a poussé à cette confrontation.

Je ne suis pas qu’un simple citoyen de ce pays. Je suis le Messie Promis attendu par M. Dowie. La seule différence est qu’il annonce que le Messie Promis apparaîtra dans les 25 ans à venir et j’annonce qu’il s’est déjà manifesté en ma personne […] Au lieu de la destruction de tous les musulmans, le dessein de Dowie peut être servi par ma seule mort, il aura établi un grand signe, suite à quoi des millions de gens reconnaîtront le fils de Marie comme dieu et croiront aussi en Dowie comme son apôtre. » [4]

Réaction de la presse

Bien que M. Dowie n’a pas publiquement accepté ce défi, la presse en a pris note et plus de quarante journaux du monde entier l’ont rendu public.

Sous le titre « Duel de prière anglaise contre prière arabe » The Argonaut de San Francisco a publié ceci : « Le Mirza a écrit à Dowie : Vous êtes le chef d’une communauté et j’ai aussi plusieurs suivants. La décision quant à savoir qui vient de Dieu est aisée : chacun d’entre nous doit prier pour que Dieu enlève du vivant de l’autre celui d’entre nous qui ment. Celui dont la prière sera exaucée sera considéré comme émanant du vrai Dieu. » C’est en effet une option des plus raisonnables et des plus justes ». (The Argonaut, du 1er décembre 1902)

Dowie et Mirza Ghulam Ahmad
Article de The Inter Ocean du 28 juin 1903

 Dowie acceptera-t-il ce duel ? (The Inter Ocean du 28 juin 1903)

N’ayant pas répondu directement au défi de Hazrat Mirza Ghulam Ahmad (a.s.), Alexander Dowie a quand même annoncé en février 1903 : « Je demande à Dieu de faire disparaître l’Islam du monde. Ô Dieu, accepte ma prière. Ô Dieu, détruis l’Islam. »

Mirza Ghulam Ahmad (a.s.) réitère son défi

Le 23 août 1903, Hazrat Mirza Ghulam Ahmad (a.s.) publia la déclaration suivante : « Le Dr Dowie n’a pas réagi à mon défi lancé en septembre 1902 […] En guise de réponse, j’attendrai pour une nouvelle période de sept mois à compter de ce jour. S’il accepte le défi au cours de ce délai et remplit les conditions que j’ai stipulées et en fait l’annonce, le monde verra bientôt la fin de ce duel. J’ai 66 ans et Dowie 55 : il est bien plus jeune que moi. L’âge ne comptant pas dans ce duel, je ne me soucie guère de cette grande disparité. Toute l’affaire repose entre les Mains du Seigneur du ciel et de la terre, le Juge suprême. Il décidera en faveur du véridique. Mais si Dowie n’a pas le courage de relever mon défi, que les deux continents témoignent que j’aurai le droit de revendiquer la victoire en cas de sa mort durant mon vécu. S’il relève le défi, les prétentions du Dr Dowie seront réglées même s’il s’évertue pour fuir la mort qui l’attend. Sa fuite d’un tel duel ne sera rien de moins qu’une sorte de mort et une calamité frappera très certainement sa ville de Zion car il devra confronter les conséquences de l’acceptation du défi ou de son refus. »

Réponse de Dowie

Subissant la pression de la presse et de ses partisans, Alexander Dowie s’est prononcé en décembre 1903 : « Il s’y trouve, en Inde, un Messie musulman qui ne cesse de m’annoncer que Jésus-Christ est enterré au Cachemire. On me demande pourquoi je ne lui réponds pas ? Croyez-vous que je dois répliquer à pareils moucherons ? Si je place mon pied sur eux, je les écraserai à mort. Je leur offre la chance de s’envoler et de survivre. »[5]

Par cette déclaration, Dowie a accepté implicitement le défi. Au moment de la déclaration Mirza Ghulam Ahmad (a.s.), Dowie était au faîte de son pouvoir : il jouissait d’une excellente santé, avait de nombreux suivants et disposait d’une immense fortune. À peine avait-il publié cette déclaration que ses affaires ont chuté. Sa santé s’est détériorée, ses partisans ont remis en question ses prétentions et il a rencontré des difficultés financières.

L’importance de Dowie

Au moment de la contestation, la propriété de Dowie s’étendait sur 6 600 acres et comprenaient la banque de Zion, une usine de dentelle, des écoles, des lignes ferroviaires, des épiceries, des marchés, le tabernacle central de Zion et une maison d’édition. Ses partisans contrôlaient quatre publications. Son journal Leaves of healing était imprimé en quatre langues et distribuées dans le monde entier. Son église avait des branches en Australie, en Allemagne, en France, en Suisse et en Afrique. Il disposait d’une garde personnelle de plus de 3000 hommes et des milliers d’employés. Ses cadeaux de Noël personnels ne coûtaient pas moins d’un million de dollars. Sa valeur nette était estimée à plus de 20 millions de dollars, une somme énorme à l’époque.

La chute de Dowie

Dowie avait prévu un voyage évangélique à New York le 18 octobre 1903. Les préparatifs ont nécessité dix mois de planification et 300 000 dollars. Trois mille de ses soldats ont voyagé de Zion à New York. Huit trains ont transporté des milliers de ses partisans pour les réunions prévues à la Madison Square Garden, qui a été loué pour un mois.

Le New York Times a publié un article sous le titre « Invasion de New York par l’armée de Dowie ». Le Chicago Tribune attendait l’arrivée de 100 000 convertis. Une foule de 30 000 personnes s’était rassemblée au Madison Square Garden pour écouter le Dr Dowie. Mais le succès escompté ne s’est pas concrétisé.

C’est à New York qu’a débuté le déclin de Dowie deux mois seulement après le défi ultime de Mirza Ghulam Ahmad. Le New York Times a publié les gros titres suivants : « Un public hostile conspue Dowie », « Élie intimidé par une masse en colère », « Des foules se détournent d’Elijah III, enragé », « New York : le Waterloo d’Élie ».

Fraudes

Des révélations sur les malversations financières de Dowie ont émergé dans la presse. Sa popularité a chuté soudainement. Deux ans plus tard, en octobre et décembre 1905, il souffrit d’une série d’accidents vasculaires cérébraux entraînant une paralysie de ses membres inférieurs et il se rendit au Mexique et en Jamaïque à la recherche d’un hypothétique remède. Ces mêmes pieds qui souhaitaient piétiner le Messie musulman comme un moucheron, ne pouvaient plus porter son corps.

Ses partisans ont découvert qu’il avait un fort penchant pour l’alcool, tout en prêchant contre cette boisson. Accusé d’avoir détourné 2 millions de dollars de Zion City il a été démis de ses fonctions. Il a passé le reste de sa vie dans le dénuement et l’angoisse. Il rendit l’âme le 7 mars 1907 déshonoré : sa femme, son fils et ses proches l’avaient abandonné.

Le Sunday Herald de Boston, qui suivait la controverse, a commenté : « Dowie a connu une mort misérable, la ville de Zion déchirée par des dissensions internes ».

Mirza Ghulam Ahmad et Dowie
Grand est Mirza Ghulam Ahmad, le Messie

Grand est Mirza Ghulam Ahmad, le Messie. Il a prédit la fin pathétique de Dowie : il prophétise l’avènement de la peste, d’inondations et de tremblements de terre. (The Sunday Herald du 23 juin 1907)

The Truth Seeker déclarait dans son numéro du 15 juin 1907 : « L’homme de Qadian avait prédit que si Dowie acceptait son défi, il quitterait ce monde sous ses yeux, frappés dans une grande affliction et dans une grande souffrance. Si Dowie refusait, disait le Mirza, sa fin ne serait que reportée : la mort l’attendait et la calamité s’abattrait bientôt sur Zion. C’était là une grande prophétie : Zion tomberait et Dowie mourrait avant Ahmad. C’était risqué pour le Messie promis de défier le nouvel Élie à une épreuve d’endurance car le challenger était 15 ans plus âgé et les probabilités étaient contre le survivant dans un pays frappé de fléaux et de famines : or il a gagné. »

The Dunnville Gazette, un autre journal américain, observait dans son numéro du 7 juin 1907 : « Ahmad et ses partisans peuvent être pardonnés pour s’attribuer le mérite de la prophétie, réalisée quelques mois de cela. »

La ville de Zion

Très peu demeure de la ville originale construite par Dowie. Sa grande salle pouvant accueillir 8 000 fidèles a été ravagée par un incendie en 1937. En 1954, un pâté de maisons entier du quartier du centre-ville a été détruit par un autre sinistre.

Aujourd’hui, une poignée de bâtiments du Zion d’origine subsiste encore : la maison de Dowie, une petite chapelle, un hôtel rénové et les bâtiments délabrés de son usine de dentelle. Une petite ville de 35 000 habitants a été construite et porte toujours le nom de Zion. Plus de cent ans après la grande controverse, il ne reste que très peu d’adeptes de Dowie, voire aucun, dans le monde. Les fidèles de Mirza Ghulam Ahmad (a.s.) se comptent par dizaines de millions et sont répartis dans le monde entier. Il existe même une petite communauté de ses suivants vivant à Zion. Ils contribuent d’ailleurs à l’entretien de la maison de Dowie qui sert de musée et il ne serait pas surprenant que la majorité des visiteurs soient les adeptes de Hazrat Mirza Ghulam Ahmad (a.s.).

Dans son numéro du 9 mars 1907, le Chicago Evening News a publié cette élégie de Dowie :

« Il a bâti une religion ; il en a été excommunié.

Il a bâti une ville ; il en a été expulsé.

Il a amassé une fortune ; il est mort dans la pauvreté.

Il éleva Voliva* ; Voliva l’a ruiné.

Il attira des milliers de dévoués fidèles ; il est mort abandonné de tous sauf d’une poignée. »


*Wilbur Glenn Voliva : successeur de Dowie, qui avant son décès en 1942, a admis publiquement qu’il avait, à l’instar de Dowie, détourné des fonds de l’église pour son usage personnel et commis d’autres méfaits.


Références

[1] Leaves of Healing, vol. XIII, p.474

[2] Leaves of Healing, vol. VII, 25 août, 1900

[3] (Leaves of Healing, vol. XII, p.526)

[4] The Review of Religions, ourdou, vol. 1, no 9, p. 342-348

[5] Leaves of Healing, 27 décembre 1903

Autres Articles et Livres