Nous constatons malheureusement qu’au sein de certains pays, les droits de culte sont restreints, voire même niés. La question qui se pose dès lors et de savoir si des gens qui sont persécutés par l’État peuvent malgré tout maintenir une relation d’amour et de loyauté avec leur nation et pays. C’est avec grande tristesse que je vous informe que de telles circonstances existent au Pakistan, dont le gouvernement a promulgué des lois contre notre communauté. Ces lois sont appliquées dans la pratique, et c’est ainsi qu’au Pakistan, les musulmans ahmadis ont-ils été officiellement déclarés non musulmans. Il leur est défendu de s’appeler musulmans. Les ahmadis au Pakistan n’ont pas le droit d’observer les rites des autres musulmans, ou encore d’agir selon les pratiques et usages de l’Islam, car cela pourrait les identifier en tant que musulmans… C’est de cette façon que l’État pakistanais a privé les membres de notre communauté de leur droit humain de base, celui de la liberté de culte.
Avec ceci à l’esprit, l’on se demandera tout naturellement comment, en de telles circonstances, les musulmans ahmadis pourront-ils obéir aux lois du pays. Je dois spécifier ici que dans des circonstances aussi extrêmes, les lois et la loyauté envers sa nation deviennent deux matières séparées. Nous, musulmans ahmadis, pensons que la religion est une matière personnelle à être déterminée par l’individu et qu’il ne doit y avoir aucune contrainte en matière de foi. Lorsque la loi fait ingérence dans ce droit, il s’agit là d’un acte de cruauté et de persécution. En effet, la persécution par l’État, qui est survenue maintes fois au fil des siècles, a été condamnée par l’écrasante majorité.
Nous tournant vers l’histoire de l’Europe, nous constatons que les peuples de ce continent ont aussi été les victimes de la persécution religieuse, une persécution qui a contraint des milliers à émigrer de pays en pays. Tous les historiens, gouvernements et peuples imbus d’un sens de justice ont considéré ceci comme étant une oppression et une énorme cruauté. L’Islam enseigne aux gens de quitter la ville ou le pays où la persécution dépasse toutes limites et devient intolérable, et d’émigrer vers un endroit où ils sont libres de pratiquer leur religion, en paix. En même temps, l’Islam déclare que quelles que soient les circonstances, l’individu ne doit pas se faire justice lui-même, ni ne doit-il participer à des complots contre son pays. Il s’agit là d’un commandement clair et sans équivoque que donne l’Islam.
En dépit de la grave persécution qu’ils subissent au Pakistan, des millions d’ahmadis continuent d’y vivre. Malgré le fait qu’ils soient soumis à une discrimination et une cruauté soutenues dans tous les aspects de leur vie, ils n’ont de cesse d’essayer d’aider la nation à progresser et réussir. Pendant des décennies, les opposants de l’Ahmadiyya ont prétendu que les ahmadis ne sont pas fidèles envers le Pakistan, sans jamais être capables de prouver leur allégation par des évidences. Au contraire, à chaque fois que le besoin de faire des sacrifices pour le Pakistan s’est fait sentir, les ahmadis se sont toujours tenus au premier rang, faisant tout sacrifice pour le bien-être du pays.
Bien qu’ils soient les victimes et les cibles de la loi, les musulmans ahmadis sont ceux qui respectent les lois du pays plus que tout autre, car ils sont de vrais musulmans qui suivent le vrai Islam. Le Saint Coran dit, par rapport à la loyauté, que les gens doivent s’abstenir de toutes choses immodestes ou indésirables ou qui ont trait à la rébellion, quelle qu’en soit la forme. L’un des traits caractéristiques et de grande beauté de l’Islam est qu’il n’attire pas notre attention uniquement sur le point final des choses, là où les conséquences sont on ne peut plus graves, mais nous avertit également des questions relativement moindres ; car celles-ci servent d’étapes intermédiaires menant l’humanité à un chemin pavé de dangers. Si l’on suit la direction offerte par l’Islam, l’on pourra résoudre les problèmes à ses stades premiers, avant que la situation échappe à tout contrôle.
Prenons l’exemple de l’avarice financière, chose qui peut causer de grands dommages au pays. Souvent, les gens sont consumés par des désirs matériels qui commencent à dégénérer rapidement. De tels désirs poussent ceux qui les nourrissent à agir de façons déloyales. Or, ces choses peuvent évoluer jusqu’à devenir des raisons de trahir son pays. Ceci mérite explication. En arabe, le terme Bagha décrit les gens ou les actions qui causent des dégâts au niveau du pays. Il a trait à ceux qui s’adonnent à des pratiques malsaines ou qui causent du tort à autrui ; y sont compris ceux coupables de fraude, qui essaient de faire des acquisitions par des moyens illégaux ou injustes. Il s’agit de ceux qui transgressent toutes limites et causent souffrances et dommages. L’Islam déclare que lorsque les gens se comportent de cette façon, l’on ne pourra espérer qu’ils vont agir de manière loyale, car la loyauté est solidement liée aux valeurs morales élevées. En fait, la loyauté ne peut exister sans valeurs morales, et ces dernières ne peuvent exister sans la loyauté. Il est vrai que divers peuples ont différentes opinions sur les hautes qualités morales ; quoi qu’il en soit, l’Islam, quant à lui, pivote sur la recherche du plaisir de Dieu. Il est enseigné aux musulmans d’agir toujours de façon à faire plaisir à Dieu. En un mot, selon les préceptes de l’Islam, Dieu le Tout-Puissant a interdit la trahison et la rébellion en tous genres, que ce soit contre son pays ou son gouvernement, car la rébellion ou toute action contre l’État menace la paix et la sécurité de la nation. En fait, toute rébellion ou opposition interne ne fera qu’éventer les flammes de l’opposition externe, et encouragera ceux à l’extérieur de profiter du désordre interne. C’est dire que les conséquences de la déloyauté envers sa nation s’étendent loin et peuvent être extrêmes. C’est pour cela que toute chose qui peut nuire au pays a été incluse dans le terme Bagha comme je l’ai expliqué. Avec tout cela à l’esprit, nous comprenons que la loyauté envers la nation voudra que l’individu fasse preuve de patience et de vertus morales, et qu’il obéisse aux lois du pays.
En général, à l’époque moderne, les gouvernements fonctionnent démocratiquement. Si un individu souhaite changer le gouvernement, il peut le faire en suivant le processus démocratique. Il devrait faire entendre sa voix aux élections. L’on ne doit pas voter selon la préférence individuelle ou pour des intérêts personnels, mais avec, selon l’enseignement de l’Islam, loyauté et amour pour son pays, avec le bien-être de la nation à l’esprit. L’individu ne doit donc pas opter pour ses propres priorités – ou encore pour le candidat dont il pourra bénéficier le plus – mais doit plutôt prendre une décision mesurée afin de déterminer quel candidat sera le plus bénéfique au pays. Les clés du gouvernement sont une responsabilité immense et elles ne doivent être remises qu’au parti que l’électeur pense honnêtement être le plus apte et qui les mérite le plus. Voilà le vrai Islam, et voilà la vraie loyauté. Au verset 59 du chapitre 4 du Saint Coran, Allah a commandé à l’individu de remettre la responsabilité à qui de droit et de juger les gens avec justice et honnêteté. C’est ainsi que la loyauté envers sa nation requiert que le pouvoir soit donné à ceux qui le méritent vraiment, afin que le pays puisse progresser et se tenir au premier rang des nations du monde.
Nous constatons que dans différentes parties du monde, les membres du public participent à des grèves et des manifestations contre la politique gouvernementale. Pire, dans certains pays du Tiers Monde, les protestataires sont coupables de vandalisme, endommageant la propriété d’État ou privée. Bien qu’ils disent agir par amour, la vérité est que de tels actes n’ont rien à voir avec la loyauté ou l’amour de la nation. L’on doit se rappeler que même les manifestations qui ont lieu paisiblement, sans dommage criminelle ou violence, peuvent tout de même avoir des conséquences négatives, notamment des pertes à hauteur de millions à l’économie de la nation. L’on ne pourra jamais considérer de tels agissements comme exemples de loyauté envers le pays. La règle d’or que nous a enseignée le Fondateur de la Communauté Islamique Ahmadiyya, est d’obéir en toutes circonstances à Allah, aux Prophètes et aux dirigeants de notre nation. C’est cela l’enseignement coranique. Il s’ensuit que même lorsqu’une nation autorise les grèves et les manifestations, celles-ci ne doivent être faites qu’à condition qu’elles ne causent aucun tort à la nation ou à l’économie.
Une autre interrogation qui surgit souvent est de savoir ceci :
les musulmans peuvent-ils se joindre aux forces armées des pays occidentaux, et si tel est le cas, pourront-ils participer à des attaques sur des pays islamiques ? L’un des principes de base en Islam est que l’individu ne doit pas participer à des actes de cruauté. Ce commandement clé doit rester dans l’esprit du musulman. Le Coran déclare que si le pays musulman est attaqué pour avoir lancé une agression de façon cruelle et injuste, les gouvernements islamiques doivent arrêter la main de l’oppresseur, c’est-à-dire mettre un terme à la cruauté et essayer de rétablir la paix. Dans de telles situations, il sera autorisé de prendre des mesures afin de mettre fin à la cruauté. Cela dit, lorsque la nation qui transgresse se réforme et accepte la paix, l’on ne devra pas chercher à profiter d’eux ou à les subjuguer sous de faux prétextes. L’on doit leur accorder la pleine souveraineté et l’indépendance comme auparavant. L’ambition militaire doit donc être d’établir la paix, et non pas les intérêts personnels.
De même, l’Islam confère à tous les pays, qu’ils soient islamiques ou non, le droit de mettre un terme à la cruauté et l’oppression. S’il s’avère être nécessaire, les pays non musulmans peuvent attaquer des pays islamiques afin de réaliser ces objectifs sincères. Les musulmans vivant dans de tels pays auront le droit de se joindre aux armées de ces derniers afin d’empêcher un autre pays d’agir cruellement. Là où de telles circonstances existent réellement, les soldats musulmans devront suivre les ordres de l’armée à laquelle ils appartiennent, notamment de toute nation occidentale quelle qu’elle soit, et se battre afin de rétablir la paix. Si par contre l’armée décide de lancer une attaque injuste, devenant du coup l’oppresseur, le musulman aura l’option de quitter l’armée pour éviter de participer à un acte de nature inhumaine. Sa décision ne sera pas interprétée comme une trahison envers son pays, bien au contraire : sa loyauté envers son pays exigera qu’il prenne une telle décision et qu’il conseille à son gouvernement de ne pas tomber dans la même bassesse dont font preuve les gouvernements et nations injustes et cruels. Si rejoindre l’armée lui est obligatoire, et s’il n’a aucun recours si ce n’est l’émigration, le musulman devra dans ce cas émigrer sans lever la voix contre la loi du pays. En effet, il devra émigrer, car un musulman n’a pas le droit de vivre dans un pays en tant que citoyen tandis qu’il agit contre la nation ou se joint à la force qui s’y oppose.
Ce furent là quelques aspects des enseignements de l’Islam, des préceptes qui guident les musulmans vers les conditions réellement requises par la loyauté et l’amour pour son pays. Je n’ai pu traiter le sujet que brièvement, le temps faisant défaut.
Pour conclure, j’aimerais dire qu’aujourd’hui nous observons que le monde est désormais devenu un village global. Les êtres humains sont étroitement liés les uns aux autres. Des gens de toutes nations, religions et cultures vivent dans tous les pays. Les dirigeants de tous pays se doivent donc d’apprécier et de respecter les sentiments de tous les peuples. Il sied aux leaders et à leurs gouvernements de créer des lois qui engendrent un environnement et un esprit de vérité et de justice, au lieu de formuler des lois qui causent détresse et frustration chez le peuple. L’on doit éliminer toute injustice ou cruauté, et chercher plutôt à lutter pour la justice véritable. Or, la meilleure façon de ce faire sera que le monde reconnaisse son Créateur. Toute loyauté doit en effet être liée à la fidélité envers Dieu. Si cela a lieu, nous serons les témoins oculaires des niveaux les plus élevés de la loyauté chez les gens de tous pays, et de nouvelles voies vers la paix et la sécurité s’ouvriront partout dans le monde.
Avant de conclure, je vous remercie tous une fois encore de m’avoir invité et écouté ce que j’avais à dire. Que Dieu vous bénisse tous ; et que Dieu bénisse l’Allemagne.
Merci beaucoup.