Par Nila Ahmad
En attendant devant un grand magasin pour le lancement d’un produit j’ai lancé une discussion avec une femme bien maquillée, âgée de soixante-dix ans voire plus. Nous ne savions guère jusqu’à quand l’attente allait durer. Au cours de notre conversation, en indiquant vers ma burqa (mon voile), elle m’a demandé : « Alors combien de temps cela va-t-il durer ? Tu es en Amérique maintenant. Tu es une femme libre. ». J’ai esquissé un sourire puis nous nous sommes lancées dans une discussion sur le voile et sa raison d’être dans l’Islam. Nous avons échangé nos numéros de téléphone à la fin de cette conversation et je suis sortie du magasin en espérant avoir répondu à ses questions d’une manière satisfaisante sur le statut de la femme en Islam.
Je n’ai pas été étonnée par cette question car elle m’a été posée à plusieurs reprises. Les non-musulmans se demandent souvent si l’Islam accorde des droits égaux aux femmes quand le monde s’acharne sur la question de l’égalité des sexes. Il est intéressant de constater que l’Islam a systématiquement promu l’égalité des sexes à laquelle les féministes aspirent.
Définissons avant tout le féminisme. D’après Nadia Abushanab Higgins, auteure de Feminism, « c’est une doctrine qui préconise l’égalité politique, économique et sociale des sexes, ainsi que l’organisation des activités pour le compte des droits des femmes et pour leurs intérêts. »[1] De ce fait, le féminisme est non seulement une idée mais aussi un ensemble de mouvements. C’est une adhésion personnelle à un mouvement de masse. Pour rester brève, je ne m’exprimerai pas sur les biens fondés de la cause, si oui ou non ce mouvement est politisé, ou si les arguments féministes servent réellement la cause des femmes.
Dans tous les cas, le féminisme aspire à l’égalité et je pense que le principe fondamental de l’égalité est que les femmes soient traitées avec respect et protégées de tous types d’harcèlements et d’exploitations. Et qui peut bien en vouloir à quelqu’un qui demande simplement à être respecté ? N’est-ce pas un désir partagé par tous ? Dès lors que les droits sont bafoués, le peuple se révolte.
Dans Des fleurs pour les femmes voilées, Hazrat Mirza Bashir-Ud-Din Mahmud Ahmad (ra), le second Calife de la communauté musulmane Ahmadiyya écrit :
« Il est déplorable de voir que la femme a été privée de ses droits les plus fondamentaux. Cette réalité ne se limite pas à l’Inde : les quatre coins de la terre l’Europe aussi bien que l’Amérique. Par conséquent, de temps en temps, les femmes se lèvent contre les hommes à propos de cet état. La nature humaine les oblige à réagir et à se rebeller après avoir subi une répression et une torture aussi prolongées. » [2]
J’ai lu cette citation au cours du mouvement #MeToo qui commençait à prendre de l’ampleur dans tous les pays. Les femmes victimes de harcèlement sexuel dans tous les domaines confondus commençaient à mettre à nu le comportement indigne des hommes influents. Cette situation m’a rappelé les dires du second Calife qui remettaient en cause un système sur lequel repose la société. En effet, lorsqu’une partie de la société se révolte cela signifie qu’il y a un dysfonctionnement au niveau du système qui se révèle être injuste. Partout dans le monde, les féministes ont fourni beaucoup d’efforts et se sont battues corps et âme pour faire avancer la cause féminine. Qu’est-ce qui a mal tourné ?
En 2018, le cinquième Calife et le chef spirituel de la communauté musulmane Ahmadiyya, Hazrat Mirza Masroor Ahmad (ra) nous a apporté un élément de réponse à ce sujet :
« Les hommes ont maintes fois cherché des opportunités pour profiter des femmes, pour les exploiter tant physiquement que mentalement, les torturants mêmes. La question qui se pose est la suivante : pourquoi les femmes étaient-elles torturées et abusées auparavant ? La réponse, qu’elle plaise ou non, est la mixité entre hommes et femmes : ces dernières n’ont pas pu se protéger en raison de cette mixité. » [3]
L’Islam a toujours préconisé une séparation entre les hommes et les femmes mettant en place un cadre pour la vie communautaire et permettant à chacun de se focaliser sur son rôle respectif. J’ai suivi une scolarité prônant la mixité après laquelle je me suis inscrite dans un lycée réservée qu’aux filles et je peux, en effet, que confirmer ces propos. Personne ne se souciait de son apparence physique, de ce que faisait tel ou tel garçon, ou de rivaliser avec les hommes dans un même domaine. Quand nous étions en classe, nous faisions attention qu’à ce que nous devions apprendre et c’est tout. En réponse au mouvement #MeToo, plusieurs femmes ont estimé que la séparation hommes-femmes établie par l’Islam était la solution à ce problème.
En conséquence, nous avons observé une montée d’espaces de travails réservés uniquement aux femmes tels que « The Wing » ou « University Women’s Club », et des événements réservés aux femmes uniquement.
Dans un article paru dans Slate au sujet de l’émergence des espaces de travail réservés aux femmes, Leigh Stringer écrit : « De nos jours, les lieux de travail, les politiques et certaines normes ne protègent absolument pas les besoins des femmes. De ce fait, les femmes sont à la recherche de communautés leur permettant de travailler et socialiser et qui pourraient ainsi compléter ce vide. Ces espaces dédiés aux femmes et gérés par des femmes pourraient tout simplement être un accélérateur pour atteindre cette égalité de genre tant voulu. » [4]
Est-ce que le harcèlement n’est plus d’actualité ? On pourrait, effectivement, penser qu’en raison de la crise sanitaire que nous traversons et qui a contraint la plupart des personnes à travailler de chez eux, que le fait de ne plus se rencontrer physiquement sur le lieu de travail ou dans les écoles met fin à ce problème. Malheureusement, ce n’est pas le cas. L’agence UN Women a publié un rapport sur l’utilisation journalière, par de millions de femmes et de jeunes filles, des plateformes de vidéoconférence pour le travail ou les cours en ligne. Selon les divers organes de presses, les publications de réseaux sociaux et les experts des droits de femmes, différentes formes de violence en ligne commencent à prendre place (harcèlement sexuel, agressions).[5]
C’est ainsi que les instructions islamiques, concernant le voile et la séparation des hommes et des femmes procurent un environnement propice à la sécurité de la femme et au respect de cette dernière.
Le Saint Coran ordonne aux hommes « de restreindre leur regard et de protéger leurs parties intimes »[6]. Les femmes sont enjointes de respecter la même règle en plus d’y rajouter le voile. Il faut comprendre que le voile n’est pas seulement un élément matériel mais plutôt un acte mental et comportemental.
Hazrat Mirza Masroor Ahmad explique :
« Le bel enseignement du Saint Coran n’interdit pas seulement aux femmes de regarder [l’autre sexe] ou d’éviter le contact visuel, il commande plutôt aux hommes et aux femmes de baisser leur regard. Un regard baissé prévient la mixité entre [hommes et femmes] ainsi que le visionnage de films obscènes. Le commandement dit également de ne pas socialiser avec des personnes qui poursuivent de tels intérêts au nom de la liberté, des gens qui racontent leurs histoires et essaient d’inciter les autres à suivre leur exemple. » [7]
Qu’il s’agisse d’une mixité virtuelle ou physique, le port du voile est la deuxième barrière contre les bas désirs et par conséquent, empêche l’exploitation et le harcèlement des femmes.
La triste réalité est que, bien que l’islam favorise l’égalité des femmes en établissant certaines règles, le système patriarcal ne l’appuie pas. Certains pays musulmans prétendent suivre la charia – les commandements islamiques – mais en réalité, ils sont bien loin de la compréhension de ces principes : par exemple en Arabie Saoudite où il est interdit aux femmes de conduire ou au Pakistan où une femme a été violée devant ses fils. Ces sociétés n’illustrent en aucun cas les véritables valeurs de l’Islam.
En 1945, Hazrat Mirza Bashir-ud-Din Mahmud Ahmad, a écrit ceci dans le magazine Misbah :
« Quand une femme est traitée injustement, l’une des deux possibilités suivra certainement. Soit elle deviendra comme une coquille creuse, n’offrant à l’homme aucun réconfort, soit son moi intérieur se rebellera et prétendra que sa religion ne lui accorde pas les droits qu’elle mérite et qu’elle n’est pas digne d’être suivie. Comment est-il possible pour Dieu d’avoir placé un cœur en moi, de m’avoir accordé émotions, sentiments, intelligence, discernement et sagesse, pour ensuite permettre à l’homme de me traiter comme il lui semble ? »[8]
La vérité est que l’homme n’est en aucun cas supérieur à la femme. Il n’est pas autorisé à la manipuler comme un simple objet. Dieu a créé l’homme et la femme pour qu’ils soient complémentaires. Il a octroyé à chacun des droits, des devoirs et des rôles essentiels au bon fonctionnement de la société, dont le système garantit une égalité des droits. À notre grand bonheur, nous verrons de la magie partout où ces deux êtres essaient d’appliquer ces principes en se basant sur la vertu, une magie tant recherchée par les féministes.
À propos de l’auteure : Nila Ahmad vit dans le sud des États-Unis avec sa famille. Ayant obtenu un diplôme d’art, elle a participé à l’illustration de livres pour enfants, ainsi qu’à l’équipe du magazine américain Al-Hilal. Elle s’intéresse particulièrement à la déconstruction des préjugés concernant le statut des femmes en islam. Nila est rédactrice adjointe de la section féminine de The Review of Religions.
Article traduit par Hania Afzal
[1] Higgins, Nadia Abushanab. Feminism: reinventing the f-word. (Minneapolis: Twenty-First Century Books, 2016), e-book, p. 10.
[2] Hazrat Mirza Bashiruddin Mahmud Ahmad (ra). Ohrni Waaliyon ke liye Phool. (Qadian: Fazl-e-Umar Press, 2008). Pg. 439, 440.
[3] Hazrat Mirza Masroor Ahmad (aba). Discours adressé au Waqfat-e-nau, février 2018. https://www.alislam.org/press-release/waqf-e-nau-female-ijtema-2018/.
[4] Stringer, Leigh. Slate. 17 mai 2018. https://slate.com/human-interest/2018/05/the-wing-demand-for-women-only-co-working-spaces-is-high.html.
[5] UN Women. https://www.unwomen.org/-media/headquarters/attachments/sections/library/publications/2020/issue-brief-covid-19-and-ending-violence-against-women-and-girls-en.pdf?la=en&vs=5006
[6] Le Saint Coran, chapitre 24 verset 31
[7] Hazrat Mirza Masroor Ahmad (aba). Discours lors de l’Ijtima de la Lajna Imaillah, 27 octobre 2014. https://www.alislam.org/press-release/lajna-imaillah-uk-ijtema-concludes-in-london-with-address-by-hazrat-mirza-masroor-ahmad-aba/.
[8] Hazrat Mirza Bashiruddin Mahmud Ahmad (ra). Ohrni Waaliyon ke liye Phool. (Qadian Fazl-e-Umar Press, 2008). Pg. 380.